Pourvoir et mandat:

Question de la représentation à l’audience en matière correctionnelle

 
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Textes applicables

Article 410 du Code de procédure pénale :

 « Le prévenu régulièrement cité à personne doit comparaître, à moins qu’il ne fournisse une excuse reconnue valable par la juridiction devant laquelle il est appelé. Le prévenu a la même obligation lorsqu’il est établi que, bien que n’ayant pas été cité à personne, il a eu connaissance de la citation régulière le concernant dans les cas prévus par les articles 557, 558 et 560.

Si ces conditions sont remplies, le prévenu non comparant et non excusé est jugé par jugement contradictoire à signifier, sauf s’il est fait application des dispositions de l’article 411.

Si un avocat se présente pour assurer la défense du prévenu, il doit être entendu s’il en fait la demande, même hors le cas prévu par l’article 411 ».

Article 411 du Code de procédure pénale :

 « Quelle que soit la peine encourue, le prévenu peut, par lettre adressée au président du tribunal et qui sera jointe au dossier de la procédure, demander à être jugé en son absence en étant représenté au cours de l’audience par son avocat ou par un avocat commis d’office. Ces dispositions sont applicables quelles que soient les conditions dans lesquelles le prévenu a été cité.

L’avocat du prévenu, qui peut intervenir au cours des débats, est entendu dans sa plaidoirie et le prévenu est alors jugé contradictoirement.

Si le tribunal estime nécessaire la comparution personnelle du prévenu, il peut renvoyer l’affaire à une audience ultérieure en ordonnant cette comparution. Le procureur de la République procède alors à une nouvelle citation du prévenu.

Le prévenu qui ne répondrait pas à cette nouvelle citation peut être jugé contradictoirement si son avocat est présent et entendu. Le tribunal peut également, le cas échéant, après avoir entendu les observations de l’avocat, renvoyer à nouveau l’affaire en faisant application des dispositions de l’article 410-1.

Lorsque l’avocat du prévenu qui a demandé à ce qu’il soit fait application des dispositions du présent article n’est pas présent au cours de l’audience, le prévenu est, sauf renvoi de l’affaire, jugé par jugement contradictoire à signifier ».

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Jurisprudence

CEDH, 23 août 2000, VAN PELT C/ France: la CEDH retient une violation des articles 6 § 1 et 6 § 3 combinés.

Elle rappelle qu’elle s’est prononcée à plusieurs reprises sur l’impossibilité, pour les avocats du requérant, de plaider en son absence : (…) dans l’affaire Poitrimol c. France, la Cour a estimé que « la comparution d’un prévenu revêtait une importante capitale en raison tant du droit de celui-ci à être entendu que de la nécessité de contrôler l’exactitude de ses affirmations et de les confronter avec les dires de la victime, dont il y a lieu de protéger les intérêts, ainsi que des témoins. Dès lors, le législateur doit pouvoir décourager les absentions injustifiées (arrêt du 23 novembre 1993 (…)). »

 Dans ses arrêts Lala c. Pays-Bas et Pelladoah c. Pays-Bas, elle a toutefois précisé qu’il était aussi « d’une importance cruciale pour l’équité du système pénal que l’accusé soit adéquatement défendu tant en première instance qu’en appel, a fortiori lorsque, comme c’est le cas en droit néerlandais, les décisions rendues en appel ne sont pas susceptibles d’opposition » (arrêts du 22 septembre 1994 (…)). Elle a ajouté que c’est ce dernier intérêt qui prévalait et que, par conséquent, le fait que l’accusé, bien que dûment assigné, ne comparaisse pas ne saurait – même à défaut d’excuse – justifier qu’il soit privé du droit à l’assistance d’un défenseur que lui reconnaît l’article 6 § 3 de la Convention (…). Pour la Cour, il appartient aux juridictions d’assurer le caractère équitable d’un procès et de veiller par conséquent à ce qu’un avocat qui, à l’évidence y assiste pour défendre son client en l’absence de celui-ci, se voit donner l’occasion de le faire (…).

 Dans son arrêt Van Geyseghem c. Belgique, la Cour a en outre précisé que « c’est de manière surabondante que la proposition commençant par la locution adverbiale a fortiori a été introduite. La Cour a au contraire affirmé que l’intérêt d’être adéquatement défendu prévalait. Le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable. Un accusé n’en perd pas le bénéfice du seul fait de son absence aux débats. Même si le législateur doit pouvoir décourager les abstentions injustifiées, il ne peut les sanctionner en dérogeant au droit à l’assistance d’un défenseur. Les exigences légitimes de la présence des accusés aux débats peuvent être assurées par d’autres moyens que la perte du droit à la défense ».

Cass. Ass. Plén, 2 mars 2001, DENTICO :

« le droit au procès équitable et le droit de tout accusé à l’assistance d’un défenseur s’opposent à ce que la juridiction juge un prévenu non comparant et non excusé sans entendre l’avocat présent à l’audience pour assurer sa défense ».

 Soucieuse de faire respecter la solution de l’arrêt DENTICO, la Cour de cassation imposait, jusqu’en 2006, de rechercher des indices dans le dossier établissant la volonté du prévenu d’être représenté par tel avocat.

 La mention du nom de l’avocat dans la demande d’aide juridictionnelle remplie par le prévenu[1] ou le dépôt de conclusions écrites[2] permettent de présumer l’existence d’un mandat de représentation.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation, par arrêt du 12 décembre 2006, va plus loin en indiquant que le droit pour l’avocat d’être entendu implique celui de pouvoir déposer des conclusions écrites et ce, même en l’absence de mandat de représentation[3].

Par arrêt du 14 octobre 2008, elle réitère sa position :« En effet, lorsque, comme en l’espèce, un avocat se présentant pour assurer la défense d’un prévenu absent poursuivi devant la juridiction correctionnelle dépose des conclusions, il s’en déduit qu’il agit en vertu d’un mandat de représentation et la décision à intervenir est rendue contradictoirement »[4].

 Elle précise, par arrêt du 25 juin 2014, que ne peuvent être déclarées irrecevables des conclusions régulièrement déposées lors d’une audience par l’avocat, le prévenu serait-il absent et non représenté durant une audience ultérieure[5].

 Enfin, la Cour de cassation, par arrêt du 6 janvier 2015, considère qu’il se déduit de l’article 6 § 3 de la CESDH que la demande de renvoi de l’affaire présentée en appel par l’avocat de la personne poursuivie peut être formée par lettre ou par télécopie, sans mandat de représentation, dès l’instant où l’avocat présentant la demande était celui présent en première instance[6].


[1] Cass. Crim. 14 octobre 2008, n° 08-81.617

[2] Cass. Crim. 25 juin 2014, n° 13-83.072 

[3] Cass. Crim. 6 janvier 2015, n° 13-87.035

[4] Cass. Crim. 12 mars 2003, Bull. crim. n° 66 

[5] Cass. Crim. 12 mars 2003, Bull. crim. n° 67 

[6] Cass. Crim. 12 décembre 2006 n° 05-86.214

Conclusion

La seule absence d’un pouvoir ou mandat écrit d’un client, pour le représenter à l’audience, ne peut suffire à empêcher un avocat, présent à l’audience, d’assurer la défense des intérêts de son client, absent à l’audience.

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